Des fibres et des oligo-éléments

La base de toute médecine réellement préventive est l’alimentation quotidienne, la façon de se nourrir ou d’être nourri. Il n’est pas nécessaire de donner des aliments concentrés (céréales, aliments industriels) pour subvenir aux besoins d’un cheval, tout l’effort doit être porté, d’une part sur la fibre, d’autre part sur la qualité des nutriments de base que sont les oligo-éléments !
Une alimentation basée sur une grosse quantité de concentrés pour satisfaire un « besoin », induira très vite des déséquilibres, des surcharges et des carences, des dysfonctionnements métaboliques (dysbiose), voire des intoxications.

La mastication, un besoin fondamental

La satisfaction profonde du besoin, ou satiété, dépend étroitement du temps passé à mastiquer de la fibre grossière (environ 14 heures / jour, sans dépasser 3 heures entre deux accès), laquelle fibre va entretenir la symbiose avec les flores intestinales cellulolytiques (dont l’aliment est la cellulose), lesquelles flores vont à leur tour nourrir le cheval (énergie, vitamines, hormones et antibiotiques naturels, etc.) et participer à son immunité.
Au-delà de la fibre, il faudra garantir absolument un apport qualitatif en oligo-éléments (fixés sur supports organiques, fruits, légumes, plantes et algues), plutôt que de miser sur un apport complémentaire, le plus souvent excessif, en sucres rapides et azote.

L’insuffisance d’apport en fibres grossières génère des troubles dentaires, digestifs, métaboliques (dysbiose), comportementaux (stéréotypies) … du simple fait que les besoins fondamentaux de l’espèce ne sont pas satisfaits.

Par ailleurs, tout aliment ayant subi des transformations et des traitements perd de ses qualités et n’offre plus les mêmes repères aux comportements instinctifs du cheval. Une plante qui, enracinée, ne sera pas consommée, aura bizarrement plus de faveur une fois coupée. Là où cela devient grave, c’est qu’il en va de même pour des aliments toxiques comme certains aliments industriels, banalisés dans l’alimentation du cheval mais mal adaptés à ses besoins quoi qu’on en dise, issus d’une production intensive polluante et supplémentés avec des additifs pour être malgré tout « appétants ».

Concernant la matière azotée (protéines), ses excès dans les rations équines sont très rapidement problématiques car ses produits de dégradation comme l’urée et l’acide urique sont toxiques pour l’organisme. La majorité des chevaux reçoivent une ration largement excédentaire en azote, essentiellement sous forme de légumineuses (trèfles, luzerne…), parfois de tourteaux, et le plus souvent inclus dans des « granulés » (ou « floconnés », mais le problème est le même). Difficilement gérés par l’organisme en temps normal (colites, surcharge des organes émonctoires, perturbations graves de l’équilibre de la flore intestinale, ulcères, douleurs musculaires, réactions allergiques…), ces excès deviennent un véritable poison pour les chevaux de sport dont le métabolisme est déjà fortement sollicité par l’effort et la récupération. Les divers troubles ostéoarticulaires dus à l’accumulation des déchets azotés dans l’appareil locomoteur en sont l’une des principales conséquences.

Quant aux céréales, il faut retenir que la capacité du cheval à assimiler l’amidon des graines, limitée par la quantité d’enzyme (amylase pancréatique) sécrétée quotidiennement, ne peut pas aller au-delà d’un certain volume, quel que soit le nombre de repas journaliers.

« Au-delà de deux kilos de céréales par jour, un cheval de 500 kilos est en surcharge, donc en état de surmenage métabolique […] Si cela dure trop longtemps une véritable pathologie digestive s’installe, cause majeure de surcharge vermineuse, troubles cutanés, respiratoires et ostéoarticulaires  » *
S’il s’agit ici de maximum, notre tendance aujourd’hui est au « zéro céréale ».

De plus, les céréales ont un mauvais rapport phospho/calcique (deux fois plus de phosphore que de calcium). Or l’excès de phosphore freine l’absorption du calcium. Les céréales sont donc toutes déminéralisantes (surtout l’avoine). De plus, les céréales sont très pauvre en oligo-éléments. Une ration quotidienne à base de céréales implique obligatoirement l’apport d’un complément minéral hautement assimilable (biodisponible), donc d’origine organique, et contenant tous les oligo-éléments essentiels.

Une simple ration d’orge trempée en quantité appropriée, à laquelle est judicieusement rajouté un complément minéral de qualité, constitue un bien meilleur apport énergétique que n’importe quel granulé ou aliment industriel dit « complet » !

Ce que nous nommons « cheval » est une symbiose très ancienne entre un mammifère végétarien non ruminant et 100.000 milliards de microbes !

Ce qu’il faut avant tout retenir c’est « qu’en mangeant le cheval nourrit d’abord sa flore symbiote, car c’est d’elle qu’il dépend ! […] Il faut alors se sortir de la tête que seules les céréales fournissent de l’énergie, les sucres rapides qu’on y trouve n’étant pas forcément l’aliment le plus digeste pour l’équidé. Un cheval en bonne santé, dont les flores ne sont pas agressées en permanence par des vermifuges, des antibiotiques, ou une alimentation mal adaptée, peut consommer beaucoup de paille ou de foin sans pour autant avoir un gros ventre »*.

Les fibres grossières (cellulose, hémicellulose, lignine …) doivent toujours constituer la base de l’alimentation, quelle que soit l’âge, la race, l’état physiologique, l’exercice pratiqué … soit sur pied (branches, feuilles, ronces, écorces, prairies de fauche tardive, chaumes …), soit coupées et séchées ( foins et pailles).

S’il est évident que certains chevaux très sollicités ont un besoin énergétique très important, il faut savoir que l’essentiel des sucres et acides gras utilisés par le muscle provient de la digestion microbienne de la cellulose, et non des céréales.

En tant qu’herbivore, la santé du cheval passe d’abord par celle de sa flore symbiote (microbiote) ! L’essentiel n’est pas la quantité distribuée et avalée, mais de comprendre les fondement de la digestion du cheval afin d’en optimiser les étapes cruciales,  notamment la digestion de la cellulose par les flores cellulolytiques dominantes dans l’écosystème digestif sain, l’assimilation des nutriments issus de cette digestion, la mise en réserve, la mobilisation puis l’utilisation métabolique de ces nutriments par les cellules, et enfin l’élimination des déchets.

Le choix et la quantité des aliments donnés est donc très importante. Quant à la qualité, il est bien évidement préférable de se procurer des aliments non traités (culture traditionnelle, biologique ou biodynamique), ce qui malheureusement constitue aujourd’hui une véritable gageure…

Les maladies métaboliques, souvent décrites par de mystérieux acronymes (SME, KPU, EMND …), résultent d’une part d’une inadéquation entre la nourriture ingérée (trop manger) et l’exercice pratiqué (pas assez marcher); d’autre part d’un accès réduit à la fibre grossière, d’un excès d’aliments concentrés trop riches et inadaptés; enfin d’intoxications banalisées qui détruisent la symbiose originelle.

La majorité des chevaux domestiques sédentarisés, nourris d’herbe ou d’aliments concentrés, victimes d’intoxications banalisées (antibiotiques, vermifuges …) sont actuellement en dysbiose, ulcérés, préfourbus …

Détruire les flores symbiotes, c’est amputer le cheval, le priver d’organes et fonctions essentiels, réduire ses capacités d’adaptation par réduction de son génome symbiotique, effondrer son immunité, faire le lit de toutes les pathologies émergentes .

Pour en savoir plus sur l’alimentation du cheval :

*ANCELET Eric, Hippothèses, Pour une Alternative en Médecine Equine