Parasites ou symbiotes ?

Dans n’importe quel écosystème (le tractus digestif du cheval est un écosystème d’une extrême richesse en biodiversité), l’apparition d’une espèce animale ou végétale considérée comme « néfaste », ou « toxique », ou « parasite », révèle avant tout qu’un équilibre a été rompu. Dans un écosystème en équilibre, le recours à ces termes – néfaste, toxique, parasite … – est sans fondement, avant tout le signe de notre ignorance de la dynamique et du sens profond des interactions.
Résistance et résilience sont les attributs d’un écosystème stable (fluctuant mais pérennisé dans le temps), dont l’équilibre repose à chaque instant sur la diversité des espèces en interaction qui le constituent, chacune assurant une ou plusieurs fonctions dans le maintien de cet équilibre.
Si cet équilibre est mis à mal (peu de biodiversité, pollutions diverses …), une espèce animale ou végétale jusque-là inoffensive, certainement utile à quelque niveau du système, peut alors devenir plus présente, voire envahissante, sécréter des substances toxiques, et de ce fait devenir coresponsable de troubles jusque-là inexistants ou très discrets (c’est actuellement le cas des tiques porteuses de borrélia, et donc vectrices de la Maladie de Lyme, ou encore des fruits de l’érable sycomore générant des intoxications mortelles).
L’espèce en question n’est pas la cause première ou unique du problème, mais le témoin d’un déséquilibre, dont les responsables en amont, dans l’immense majorité des cas, sont les activités humaines.

Le cheval symbiotique

La symbiose est la règle, le parasitisme est l’exception.
Le cheval en tant que mammifère herbivore et monogastrique, a pu évoluer au fil de millions d’années, s’adapter aux fluctuations de son environnement (prédation, concurrences avec les herbivores ruminants, glaciations), survivre en tant qu’espèce, uniquement grâce à la diversité et les capacités adaptatives de sa faune et de sa flore intestinale.
Sa relation avec cette faune et cette flore localisées dans le tractus digestif est de nature symbiotique.
Cet écosystème digestif lui permet à la fois d’assimiler ce qu’il mange, de stabiliser son équilibre intestinal et de constamment renouveler son immunité. Les différentes espèces de vers font partie des constituants naturels de cet écosystème, leur présence, l’équilibre entre les différents espèces, parfaitement régulés tant que l’ensemble de l’écosystème est en équilibre. Si cet équilibre est rompu apparaitront alors des problèmes de « parasitisme », pouvant aller jusqu’à la mort de l’hôte.
Mais cette situation n’est favorable pour personne, ni pour le cheval, ni pour les vers qui ne peuvent survivre sans l’hôte qui les héberge. Le parasitisme n’existe pas « en soi » ! Le parasitisme découle d’une rupture d’équilibre. La survie de l’espèce équine au cours de millions d’années d’évolution n’a été possible que par la symbiose entre le mammifère et ses hôtes.  Cet équilibre maintenu dans l’espace et le temps est le principe même de la prémunition.

Peut-on alors réellement vouloir éradiquer le problème du parasitisme en éradiquant les vers considérés comme seuls responsables ?
La réponse pourrait être « oui » tant que le parasite est considéré comme tel. Et encore à quel prix et selon quelle prétention ? Mais la question devient encore plus complexe lorsqu’on considère la complexité du vivant et des relations qui le constituent (dont une bonne partie nous échappe complètement), ainsi que l’importance de la biodiversité, seule véritable garant de la survie des écosystèmes. A ce stade, il semble plus simple d’essayer de comprendre la relation hôte/parasite et les facteurs qui font varier cette relation.

Le fondement de la prémunition sous-tend donc une présence parasitaire, mais surtout le respect des fonctions physiologiques du cheval qui la régule. La qualité du terrain biologique, l’équilibre de la flore digestive aussi que la vigueur du système l’immunité en sont à la base. Si un animal est sur-parasité (mauvaise qualité du poil, de la corne et de l’état en général, fatigue, problèmes digestifs divers, analyse coprologique,…), c’est que son terrain est déficient, incapable de s’adapter à une présence parasitaire et de la gérer correctement. Certes, la problématique pourrait venir d’un environnement particulièrement « vermineux », véritable « bouillon de culture ». Mais cette fragilité individuelle doit avant tout nous alerter d’un potentiel effondrement immunitaire, généralement sous-tendu par une mauvaise santé de la flore digestive et d’importantes carences minérales et oligo-élémentaires.

Les origines sont diverses : situations de stress, intoxications ou carences alimentaires chroniques, ainsi que les abus de médicaments, dont les vermifuges! Pour de tel individus, l’effort ne doit pas se porter au niveau d’un acharnement chimique qui ne ferait qu’empirer les choses, mais véritablement sur un travail de fond qui tend à renforcer le terrain biologique et le système immunitaire, à rééquilibrer la sphère digestive et ses flores, et donc à rétablir de façon globale l’état de prémunition !

Un fort parasitisme, s’il nécessite parfois un traitement drastique, mais ponctuel, doit au final nous amener à une approche holistique du cheval. Il convient en effet d’adopter des mesures propres à éviter un sur-parasitisme pathologique en cherchant à comprendre ce dont a fondamentalement besoin le cheval et comment le lui offrir dans le respect de son intégrité physiologique et comportementale. Aussi, selon les caractéristiques de l’élevage et selon les individus, la « conversion alternatives » peut demander plus de temps, plus d’effort, mais dans tous les cas elle doit se faire sur la base de certains réajustements, notamment diététiques.